Tendances religieuses en Suisse : Nouveaux résultats de recherche

12. Sep. 2022

Nés de la collaboration entre le SPI et des chercheurs des Universités de Lausanne et de Lucerne, de nouveaux résultats de recherche sur la religion, la spiritualité et la sécularisation en Suisse ont été développés.

Religionstrends in der Schweiz. Religion, Spiritualität und Säkularität im gesellschaftlichen Wandel

Jörg Stolz, Arnd Bünker, Antonius Liedhegener, Eva Baumann-Neuhaus, Irene Becci, Zhargalma Dandarova Robert, Jeremy Senn, Pascal Tanner, Oliver Wäckerlig, Urs Winter-Pfändler
Wiesbaden (Springer VS) 2022

Le livre a été publié en allemand

L’étude « Tendances religieuses en Suisse » fait partie de la série « Sonderfallstudien » publiées depuis 1994

  • 1994: Alfred Dubach, Roland J. Campiche (éd.): Jeder ein Sonderfall? Religion in der Schweiz
  • 2005: Alfred Dubach, Brigitte Fuchs: Ein neues Modell von Religion – Zweite Schweizer Sonderfallstudie
  • 2015: Jörg Stolz, Judith Könemann, Mallory Schneuwly Purdie, Thomas Englberger, Michael Krüggeler: Religion et spiritualité à l’ère de l’ego

Le volume actuel poursuit cette série et analyse les tendances suisses dans le domaine de la religion, de la spiritualité et de la sécularisation.

 

De quoi il s’agit

Qu’en est-il de la religion et de la spiritualité en Suisse ? Sur la base des données actuelles (MOSAiCH/ISSP 2018) et en s’appuyant sur d’autres données des dernières décennies, les auteur.e.s décrivent, dans cette nouvelle étude, les tendances religieuses actuelles en Suisse.

Les observations sur le changement de la religion, de la spiritualité mais aussi de la sécularisation dans la société suisse sont classées en termes de sociologie religieuse, de sociologie ecclésiastique et de sciences politiques.
Des tendances très stables de sécularisation et une défection durable des Églises par la population suisse se dessinent. Cela se reflète dans la perte de confiance envers les Églises et dans un déclin constant d’un lien fort entre les Églises et leurs membres, ainsi que d’une adhésion décroissante aux modèles d’interprétations religieuses dans leur ensemble.

En parallèle à la population qui se sent appartenir à une communauté religieuse, une attention toute particulière est donnée au groupe des « non-religieux ». En outre, l’étude précise la nature de la relation entre religiosité individuelle et spiritualité. Finalement, nous pouvons démontrer la prégnance de l’aspect religieux dans le comportement électoral et politique des Suisses.esses tout en observant, avec le déclin de la religiosité ecclésiale, des changements dans le comportement électoral conduisant à des adaptations de la part de certains partis politiques.

Une version imprimée du livre est disponible en librairie.

 

Les résultats de l’étude sont en libre accès

 

Vue d’ensemble et brefs résumés en français

1 Introduction

2 Générations en perte de croyances

Sécularisation en Suisse 1930-2020
Jörg Stolz, Jeremy Senn

Cet article examine dans quelle mesure le phénomène de sécularisation des cohortes qui a été démontré dans d’autres pays occidentaux s’applique également à la Suisse. Selon cette théorie, la sécularisation se produit parce que des cohortes plus religieuses sont remplacées par des cohortes moins religieuses – et non pas parce que la religiosité des individus diminue au cours de leur vie. L’article examine le développement de la religiosité chrétienne et de la spiritualité holistique (globale) sur la base de plusieurs enquêtes sociales majeures. La thèse de la sécularisation des cohortes peut être confirmée pour la religiosité chrétienne : la sécularisation survient en grande partie parce que chaque nouvelle génération est un peu moins religieuse. Ce sont des « générations en perte de croyances ». D’autre part, nous ne trouvons aucune preuve qui permettraient d’affirmer que beaucoup d’individus maintiennent leurs croyances tout en renonçant uniquement à leur appartenance à l’église («believing whitout belonging»). Une révolution holistique-spirituelle ne s’observe pas non plus.

3 Auto-désignations et significations nuancées.

Sur l’interprétation contextuelle des termes « religieux » et « spirituel » dans les enquêtes
Irene Becci, Zhargalma Dandarova-Robert

Dans le contexte des changements actuels des paysages socio-religieux mondiaux qui modifient les significations et les appropriations culturelles du concept de spiritualité, cet article examine plus en détail quelles différences et similitudes peuvent réellement être identifiées entre « spirituel » et « religieux ». En analysant les réponses des individus qui déclarent dans l’enquête transversale MOSAiCH (2009 et 2018) à propos des valeurs et des attitudes de la population suisse sur diverses questions de société : « J’adhère à une religion, je ne suis pas une personne spirituelle » et « Je n’adhère à aucune religion, je suis une personne spirituelle », les auteures revendiquent le « retour du social » dans les sciences des religions. La dimension sociale contextuelle des distinctions entre ces identifications est questionnée d’un point de vue structurel, notamment en créant un profil démographique des différents groupes. Les auteures concluent qu’il est nécessaire de situer et d’inscrire l’usage de la catégorie actuelle « spiritualité » dans son contexte social effectif.

4 Les sans-religion en Suisse

Portrait sociologique d’un groupe de population croissant
Pascal Tanner

De plus en plus d’individus en Suisse déclarent n’appartenir à aucune confession ou religion. Avec les membres des Églises réformées et catholiques, ils forment actuellement l’un des trois plus grands groupes – selon l’ensemble de données et la méthode de récolte des données, ils sont même récemment considérés comme le plus grand de tous. L’article suivant se concentre sur les personnes sans religion et donc sur le phénomène de la perte de la religiosité individuelle. Les deux aspects suivants sont examinés en profondeur : d’une part, l’article s’attarde sur le discours général de la recherche concernant la perte de la religiosité. Il interroge comment les personnes non religieuses vivant en Suisse peuvent actuellement être décrites en termes de socio-démographie, de spiritualité, de religiosité et de socialisation. Cela corrobore clairement ce qui a déjà été démontré ailleurs : les « sans religion » sont relativement jeunes et ont une éducation supérieure à la moyenne. Un phénomène, qui n’a été étudié que dans une certaine mesure jusqu’à présent, émerge également : les personnes sans religion proviennent souvent, de manière disproportionnée, d’un contexte migratoire. D’autre part, cette contribution approfondit l’aspect de la socialisation qui est au cœur de la recherche sur la sécularisation. Il présente un modèle qui fournit des informations sur les expériences de socialisation typiques des personnes non religieuses. Le résultat le plus important de la modélisation est que l’absence de religion commence généralement là où commence la socialisation : avec les parents des personnes interrogées et leur propre relation au religieux. Toutes les analyses réalisées sont basées sur les données de l’enquête MOSAiCH de 2018 et ont été élaborées avec les outils de la recherche sociale quantitative.

5 Focus sur l’appartenance aux Églises

Confiance dans les Églises, fidélisation et conséquences individuelles et sociétales
Urs Winter-Pfändler

Les Églises sont confrontées à un bouleversement radical du paysage religieux : la proportion de la population déclarant une appartenance aux Églises catholique romaine et évangélique réformée a diminué au cours des dernières décennies, tandis que la proportion des sans confession a fortement augmenté. Dans le même temps, les Églises sont aux prises avec une perte de confiance. Cet article retrace ce bouleversement et décrit les conséquences sociétales et personnelles qui en résultent (tendance à la démission). À cette fin, il aborde les processus de fidélisation des Églises, le rôle de la confiance et analyse les données d’enquête des années 1998, 2009 et 2018. Cela montre : a) Les Églises ont perdu la confiance dans le passé. En comparaison à d’autres acteurs sociaux importants, ils sont actuellement ceux en qui la population a le moins confiance. En particulier, les non-confessionnels qui s’éloignent de plus en plus des Églises. b) L’engagement des Églises en faveur des personnes socialement défavorisées est reconnu. D’autre part, l’importance des Églises dans sa propre vie dépend fortement de la religiosité individuelle. c) Un membre sur trois de l’Église catholique romaine (38 %) et de l’Église évangélique réformée (37 %) envisage de quitter l’Église (tendance à la démission). Finalement (d) : il existe des corrélations claires entre les variables de propension au départ, la religiosité, l’appartenance confessionnelle, la confiance dans les Églises et (dans une moindre mesure) la sociodémographie des personnes interrogées. La confiance qui est encore placée dans les Églises (par exemple dans le domaine diacono-social) doit être préservée et, si possible, élargie. Sinon, persiste le risque que ces tendances se poursuivent et que la désaffection des Églises continue de croître.

6 La désecclésialisation comme processus

Observations sur la distanciation envers l’Église et la religiosité ecclésiastique
Oliver Wäckerlig, Eva Baumann-Neuhaus, Arnd Bünker

L’article examine les changements dans le domaine des liens envers les Églises et de la socialisation au sein des Églises catholique et réformée dans le contexte du changement social. Les analyses sont basées sur les données de l’étude du Sonderfall (1988), sur les trois vagues des études MOSAiCH/ISSP (1998, 2009 et 2018) ainsi que sur des données de l’Office fédéral de la statistique (BfS) et des statistiques ecclésiastiques du SPI. Au sein de la population suisse, on observe un déclin de l’identification aux Églises et à leurs offres de socialisation classique, mais aussi une diminution des croyances et des pratiques religieuses et spirituelles représentées par les Églises. Les processus d’érosion affectent à la fois l’Église en tant qu’institution et le domaine individuel de la foi et de la pratique religieuse et spirituelle. Les analyses montrent clairement que dans un contexte social caractérisé par la sécularisation et l’individualisation, les Églises réussissent de moins en moins à façonner durablement les croyances et les pratiques religieuses des individus à travers leurs offres rituelles traditionnelles. Cependant, cela serait la condition préalable à une identification durable avec la religion ecclésiastique et en fin de compte, à la fidélité des membres à leur Église. Les offres socialisantes des Églises examinées ne proposent pas de réponses convaincantes aux défis posés par la sécularisation et l’individualisation religieuse et spirituelle. En outre, ils ne répondent pas suffisamment aux exigences actuelles d’autodétermination et d’ « apprentissage tout au long de la vie » en ce qui concerne les questions religieuses. Les Églises sont donc fondamentalement mises au défi de trouver une nouvelle compréhension d’elles-mêmes vis-à-vis de la société et de ses individus.

7 Politique et religion en Suisse

Résultats d’une récente enquête sur une relation complexe
Antonius Liedhegener

La politique et la religion en modernité – une interrelation entre deux variables complexes. Basé sur l’état de la recherche pour la Suisse, cet article visibilise cette interrelation dans sa complexité au sein de la population et l’électorat à partir de données d’enquête récentes. L’hypothèse examinée est la suivante : la religion a toujours une influence sur la politique suisse malgré une sécularisation et une désecclésialisation soutenues. La politique est analysée sous les aspects du pouvoir et de l’influence (politics), des questions politiques (policy) et de la communauté politique (polity). L’article questionne l’influence de la religion sur la participation électorale, les préférences politiques des partis, les attitudes politiques et les thématiques ainsi que sur l’évaluation du système politique. Sur la base des données des questionnaires de l’enquête MOSAiCH 2018, englobant l’ISSP 2018 sur le thème de la religion, la religion est définie et opérationnalisée comme un phénomène potentiellement multicouche chez un même individu. À partir d’une analyse en série de tableau de contingence, diverses hypothèses et mécanismes dérivés des théories de la recherche électorale sont statistiquement examinés. La religion est définie comme une appartenance à de grands groupes sociaux, une structure d’opportunité pour des contacts face à face, une partie de croyances et d’attitudes personnelles et une identité sociale indépendante. Comme le montre l’analyse empirique, tous ces aspects de la religion contribuent à l’explication de corrélations, parfois assez fortes, qui ont été identifiées. Finalement et cependant, aucune des hypothèses théoriques ne peut à elle seule convaincre, car de facto presque toutes les variables indicatrices liées à la religion sont si fortement corrélées les unes avec les autres que les explications statistiques sont similaires. Dans l’ensemble, on constate, qu’en Suisse, un profil chrétien parmi les électeurs renforce généralement le centre de l’échiquier politique. Aujourd’hui, cependant, ce ne sont pas tant les anciennes divisions confessionnelles que les nouveaux conflits politiques sur les questions liées à la religion et les identités sociales qui donnent au facteur religieux son importance parfois conflictuelle dans la politique suisse. Là où la religion et la politique religieuse provoquent controverses et conflits, le conflit se nourrit davantage de la politique elle-même que du champ religieux. Ces idées sont susceptibles d’avoir des conséquences à la fois pour une résolution sociale approprié des problèmes litigieux et pour la révision de l’image répandue mais incorrecte des communautés religieuses en tant que cause de conflit. En comparaison européenne, les membres des différentes communautés religieuses de Suisse témoignent d’une existence et d’une coexistence largement harmonieuses – un fait qui ne va nullement de soi, et dont l’examen détaillé en termes de forme, d’étendue et de causes devrait constituer à l’avenir une part de l’attention de la recherche sociale et religieuse quantitative.

8 Perspective

Auteur.e.s

Eva Baumann-Neuhaus, Docteure en sciences religieuses, est responsable de projet scientifique à l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI) à Saint-Gall. Ses recherches portent sur le changement religieux, la tradition religieuse et le lien entre religion et migration.

Irene Becci est Professeure ordinaire à la chaire Émergences religieuse et nouvelles spiritualités à l’Institut de Sciences sociales des religions contemporaines (ISSRC) de l’Université de Lausanne. Ses recherches portent sur la diversité religieuse et spirituelle dans différents contextes ainsi que sur les questions épistémologiques et méthodologiques au sein de la recherche qualitative.

Arnd Bünker, Docteur en théologie catholique, est directeur de l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI) à Saint-Gall et Professeur titulaire à la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg. Il mène des recherches sur les questions sociologiques pastorales et sur les défis du développement de l’Église.

Zhargalma Dandarova-Robert, Docteure en psychologie, est assistante principale à la chaire de Psychologie des religions de l’Université de Lausanne. Elle mène des recherches sur la religiosité/spiritualité et la santé mentale dans la vieillesse ainsi que sur la représentation graphique des idées de Dieu chez les enfants.

Antonius Liedhegener est professeur de politique et de religion au Centre pour la religion, l’économie et la politique (ZRWP) de l’Université de Lucerne. Ses recherches portent sur la politique et la religion dans les démocraties libérales, sur le lien entre religion et identité sociale et sur la politique religieuse dans les institutions politiques et religieuses.

Jeremy Senn, MA en sociologie, est assistant de recherche FNS à la chaire de Sociologie des religions de l’Université de Lausanne. Il fait son doctorat sur les communautés religieuses et ecclésiastiques dans le paysage religieux de la Suisse.

Jörg Stolz est professeur ordinaire de sociologie des religions à l’Institut de sciences sociales des religions contemporaines (ISSRC) de l’Université de Lausanne. Il effectue des recherches et publie sur la sécularisation, le paysage religieux de la Suisse et les méthodes mixtes.

Pascal Tanner, Docteur en sociologie, est chercheur postdoctoral à l’Institut des humanités en médecine (IHM) à l’hôpital universitaire du canton de Vaud. Ses recherches portent sur divers aspects de la non-religiosité en Suisse, la laïcité organisée et l’importance de la religiosité et de la spiritualité chez les personnes âgées.

Oliver Wäckerlig, Docteur en sciences religieuses, est responsable de projet scientifique à l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI) à Saint-Gall. Ses recherches portent sur la religion et le public, la religion et la santé, et l’islamophobie.

Urs Winter-Pfändler, Docteur en théologie catholique et Docteur en psychologie, est responsable de projet scientifique à l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI) à Saint-Gall. Il mène des recherches sur les questions psychologiques pastorales et religieuses, sur la gestion des pertes et sur la réputation des Églises.

 

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